Le 2 novembre prochain, les citoyens de Montréal-Est se rendront aux urnes pour élire leur prochain maire dans un contexte électoral marqué par des enjeux cruciaux. La mairesse sortante Anne St-Laurent et l’ex-conseiller municipal John Judd proposent deux visions diamétralement opposées pour l’avenir de cette municipalité de moins de 5 000 habitants, où cohabitent zones industrielles et résidentielles.
Deux candidats, deux philosophies de gouvernance
Anne St-Laurent, à la tête de l’équipe du même nom, défend un bilan qu’elle qualifie d' »audacieux et extraordinaire ». Elle mise sur la continuité d’une administration tournée vers de grands projets structurants et une vision à long terme incarnée par sa Vision 2050. Face à elle, John Judd, candidat indépendant, prône un retour à une gestion plus sobre, transparente et participative, estimant que la Ville dépense au-delà de ses moyens.
Logement et développement urbain : une priorité partagée, des stratégies divergentes
Selon un sondage récent de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, 53% des Montréalais considèrent l’accès au logement comme la priorité absolue des élus municipaux. À Montréal-Est, cette préoccupation résonne particulièrement.
La mairesse sortante met en avant plusieurs projets d’envergure : 180 logements sur la rue Broadway développés par la Société Angus, avec commerces en rez-de-chaussée et stationnements souterrains, ainsi que trois autres projets totalisant 151 unités supplémentaires. « Nous voulons créer des quartiers intergénérationnels pensés pour l’avenir », affirme-t-elle.
John Judd, fort de son expérience à la Société d’habitation du Québec où il dit avoir contribué à six ensembles immobiliers, critique vertement l’acquisition du terrain Esso pour 20 M$ sans consultation citoyenne. Il plaide pour des logements plus accessibles répondant aux besoins concrets des jeunes familles et des aînés.
Cohabitation industrielle et environnement : concilier économie et qualité de vie
L’industrie génère 85% des revenus municipaux de Montréal-Est, créant un défi permanent de cohabitation avec les zones résidentielles. Anne St-Laurent souligne les efforts de requalification de certains terrains vers une industrie légère, plus compatible avec la vie résidentielle, dans le cadre de sa Vision 2050.
La question emblématique du sifflet du train illustre parfaitement les divergences entre les deux candidats. La mairesse sortante se félicite d’une entente conclue avec le CN pour éliminer les sifflements nocturnes d’ici le printemps 2026. « Les citoyens ont droit à une qualité de vie », insiste-t-elle. M. Judd y voit une dépense excessive pour un élément de sécurité essentiel : « Il faut accepter que vivre ici, c’est vivre avec le bruit industriel. »
Sur le plan environnemental, Mme St-Laurent revendique une gestion proactive contre les inondations – aucune réclamation déposée malgré les changements climatiques – et annonce des projets d’étangs naturels, de saillies de trottoirs vertes et d’arbres supplémentaires. Son adversaire, sans remettre en cause ces efforts, prône une approche plus modeste tenant compte des capacités financières limitées de la municipalité.
Finances municipales : rigueur ou investissement?
Le débat fiscal cristallise l’opposition fondamentale entre les deux candidats. Anne St-Laurent met en avant trois années consécutives sans hausse de taxes et s’engage à maintenir le taux « toujours au plus bas ». Elle défend l’acquisition du terrain Notre-Dame (15 M$) comme un investissement stratégique qui créera de la valeur à terme.
John Judd dénonce une gestion dispendieuse inadaptée à une ville de moins de 5 000 habitants : « On gère cette municipalité comme une métropole. Nous avons explosé les dépenses alors que les citoyens n’ont que 200$ de marge par mois selon des données récentes. »
Culture, sports et services communautaires
Les deux candidats reconnaissent l’importance des infrastructures culturelles et sportives. Mme St-Laurent souligne les 12 000 visiteurs attirés par les activités culturelles récentes, la rénovation de parcs et la création d’une pump-track très fréquentée. Elle promet la phase 2 du Centre récréatif Édouard-Rivet et sept terrains de pickleball.
M. Judd propose l’accès gratuit aux sports et loisirs pour les jeunes, l’achèvement de la phase 2 de l’aréna et le retour d’un journal local avec un mot mensuel du maire pour « reconnecter avec les citoyens ».
Vision 2030 ou Vision 2050?
Au-delà des dossiers spécifiques, c’est l’horizon temporel qui distingue fondamentalement les deux candidatures. Anne St-Laurent projette Montréal-Est en 2050 comme une « Silicon Valley verte » avec des quartiers industriels écoénergétiques et une planification centrée sur la durabilité. John Judd recentre le débat sur 2030 : « Les bases d’une ville prospère, c’est maintenant qu’on doit les poser, pas dans 25 ans. »
Les électeurs de Montréal-Est devront trancher le 2 novembre entre ces deux philosophies : celle d’une administration ambitieuse tournée vers l’avenir, et celle d’une gouvernance prudente privilégiant la transparence et la participation citoyenne. Dans un contexte où la crise du logement s’intensifie partout au Québec et où les municipalités doivent composer avec des ressources limitées, ce choix déterminera l’évolution de cette petite ville industrielle pour les cinq prochaines années.





