À deux semaines de la rentrée universitaire, des étudiants français admis dans des établissements québécois attendent toujours leur permis d’études. Retards, frais supplémentaires et incertitude : l’angoisse monte à l’approche du jour J.
Pour Ambre Chesnel, 21 ans, de Nantes, les dernières semaines ont été rythmées par l’attente. Le 11 août, elle devait arriver à Montréal pour commencer un baccalauréat en psychologie à l’Université de Montréal. Tout était prêt : billet d’avion, logement, valises. Sauf l’essentiel : son permis d’études.
« J’ai déposé ma demande début juin. À ce moment-là, les délais affichés étaient de cinq semaines. Là, j’arrive à neuf semaines et je n’ai toujours pas de réponse », raconte-t-elle. Elle consulte régulièrement le site d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et les groupes Facebook d’étudiants. « Je me connecte sur mon compte IRCC cinq, six fois par jour. C’est quand même assez angoissant. »
Ambre est loin d’être la seule dans cette situation. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient : étudiants français admis, billets achetés, logement trouvé… mais aucun permis en main.
Pour étudier au Québec, un étudiant étranger doit d’abord obtenir un certificat d’acceptation du Québec (CAQ), délivré par le ministère québécois de l’Immigration. Ce document est ensuite nécessaire pour demander un permis d’études au fédéral. C’est cette deuxième étape qui bloque. Les délais d’IRCC, annoncés à cinq semaines au début de l’été, ont monté à dix semaines. Et plusieurs dossiers dépassent déjà ce délai.
La mère d’Ambre, Morgane Chesnel, dit avoir tout essayé : « On a fait le formulaire web, on a appelé l’ambassade de Paris. Ma fille a appelé le bureau fédéral de Montréal. On a un ami au Canada qui a écrit à quelqu’un du bureau fédéral, sans réponse. Je suis aussi en contact avec une députée. »
Le 11 août, elle a pris l’avion pour Montréal… sans sa fille.
Le statut de visiteur
Juliette Bluzat, 18 ans, devait décoller le 25 juillet. Puis le 30. « On a dû annuler carrément le billet d’avion. Chaque fois qu’on décale, ça coûte 200 euros en plus », raconte-t-elle. Inscrite à l’École polytechnique de Montréal, elle a déjà un appartement meublé qui l’attend.
« Je suis très stressée, très angoissée. Ça me fait pleurer tous les jours parce que j’ai l’impression que mon rêve part en fumée, tout simplement. »
Juliette Bluzat, étudiante française inscrite à Polytechnique Montréal
Certains ont franchi l’Atlantique… mais avec le mauvais statut.
Charlotte Baqué de Sariac, 20 ans, est arrivée avec un visa de visiteur, faute de réponse d’IRCC. Sa mère, Fanny Baqué de Sariac, précise : « Sous réserve qu’elle reçoive bien son visa avant sa rentrée le 25 août, il va lui falloir ressortir du territoire, par voie aérienne uniquement, pour repasser la frontière et valider son autorisation d’études… Hyper coûteux et incroyable. »
Charlotte confirme : « C’est beaucoup de stress, une impression de vivre dans l’incertitude depuis quasiment deux mois. »
En pratique, même si elle reçoit son permis à temps, elle ne pourra pas le faire valider sur place. Il lui faudra quitter le Canada, prendre un vol international, et revenir, afin que le douanier lui remette physiquement le document. Aucune procédure interne ne permet d’éviter cette étape.
« J’aurais choisi le Japon »
Alice Lapleigne, 22 ans, inscrite à HEC Montréal, a déposé sa demande il y a 11 semaines. « Mon vol était le 11 août… » Sa mère, Cécile Esteve, explique : « Nous avons été dans l’obligation de partir pour Montréal sans elle alors que nous avions prévu de l’accompagner afin de l’installer pour une rentrée sereine. »
Pour Geoffrey Guerin, 23 ans, et ses quatre amis de Master 2 à l’École universitaire de management de Montpellier, l’inquiétude est totale. Tous doivent effectuer un échange universitaire à l’Université McGill dès la fin d’août pour valider leur année.
« On est cinq étudiants français dans le même cas, parce qu’on est cinq dans la même classe à faire la même chose à McGill », explique Geoffrey, inscrit au Graduate Certificate in Business Management.
Le billet d’avion pour Montréal est réservé pour le 23 août, quatre jours avant le début des cours. McGill leur a donné jusqu’au 9 septembre pour présenter leur permis d’études. « Si on ne l’a pas d’ici là, c’est fini. Je pense qu’on sera obligés de redoubler », craint-il.
Regrette-t-il son choix ? « Si on devait tout refaire, sachant les conséquences, je pense qu’on irait ailleurs, admet l’étudiant. L’année dernière, je suis parti à New York et ça s’est très bien passé. J’avais le choix entre le Canada et le Japon, je crois que j’aurais choisi le Japon. »
Manque de communication
Tous dénoncent le même problème : l’absence d’interlocuteur et le manque de transparence dans le traitement des dossiers. « Sur Facebook, on voit des gens qui ont déposé leur demande début juillet et qui ont déjà reçu leur permis. Et d’autres, depuis mai, qui n’ont toujours rien », constate Ambre Chesnel.
Interrogé sur ces retards, IRCC indique que les délais varient « selon la qualité et la rapidité des réponses aux demandes d’information ou de données biométriques, la facilité de vérification des renseignements et la complexité du dossier ».
On ajoute qu’« une forte demande mondiale, surtout dans les catégories dépassant les cibles prévues, peut entraîner des délais plus longs ».
Alors que l’inquiétude grandit chez les étudiants et leurs familles, l’Université de Montréal (UdeM) se fait rassurante.
« La situation est habituelle à ce moment de l’année », soutient, par courriel, Virginie Allard-Caméus, directrice générale d’UdeM International.
Elle explique que « les délais de traitement pour la France ont tendance à augmenter au courant du mois de juin ». Puis, « ces délais diminuent vers les dernières semaines du mois d’août, et les étudiants, surtout français, commencent à recevoir leur permis d’études ». L’Université dit espérer que « le même scénario se reproduira cette année ».
En attendant, chacun guette la notification tant espérée. Pour certains, elle arrivera peut-être juste à temps pour la rentrée. Pour d’autres, il faudra s’adapter.






