Le pari audacieux de l’adieu à l’auto solo
Dans une métropole comme Montréal, où les distances peuvent être importantes et les hivers rigoureux, renoncer à posséder une voiture relève pour beaucoup du défi, voire de l’utopie. Pourtant, face à l’urgence climatique, à la congestion routière et au coût croissant de l’automobile, de plus en plus de Montréalais font le pari audacieux de vivre sans voiture individuelle. Est-ce une mission impossible en 2025, ou une révolution silencieuse en marche ? Nous avons exploré le quotidien de ces « sans-voiture » volontaires.
L’arsenal de la mobilité alternative : un réseau en développement
Montréal offre un éventail d’options pour se déplacer sans posséder de véhicule. Le réseau de la Société de transport de Montréal (STM), avec ses lignes de métro et ses nombreux bus, constitue l’épine dorsale de cette mobilité. L’arrivée progressive du Réseau express métropolitain (REM), malgré ses ratés initiaux et ses défis d’intégration (navettes bus fréquentes, accessibilité parfois limitée depuis le réseau existant), promet d’étendre considérablement les possibilités de déplacement rapide, notamment vers les banlieues et l’aéroport.
À cela s’ajoute un réseau cyclable en constante expansion, bien que sa qualité et sa connectivité varient encore grandement selon les secteurs. Le vélo, qu’il soit personnel ou en libre-service via BIXI, est devenu un mode de transport privilégié pour beaucoup durant la belle saison. « Je fais presque tous mes déplacements à vélo d’avril à octobre », raconte Sophie, graphiste dans le Plateau Mont-Royal. « C’est rapide, bon pour la santé et pour le portefeuille. »
L’autopartage, avec des acteurs comme Communauto et le nouveau venu Leo autopartage (qui prévoit 600 véhicules dès mai 2025), offre une flexibilité essentielle pour les courses plus importantes ou les sorties hors de la ville. « J’utilise Communauto une ou deux fois par mois pour l’épicerie ou pour visiter ma famille en banlieue », explique Ahmed, programmeur à Rosemont. « Ça me coûte bien moins cher qu’une voiture que j’utiliserais peu. »
Enfin, la marche reste une option privilégiée pour les déplacements de proximité, favorisée par des aménagements piétons qui se multiplient, bien que la cohabitation avec les autres modes de transport ne soit pas toujours harmonieuse.
Les défis du quotidien : entre planification et imprévus
Vivre sans voiture demande une certaine organisation et anticipation. « Il faut planifier ses déplacements, surtout l’hiver ou quand on a plusieurs endroits où aller », admet Sophie. Les pannes ou interruptions de service dans les transports en commun, comme celles rencontrées sur le REM, peuvent rapidement compliquer un trajet. L’accessibilité universelle reste également un enjeu majeur : se déplacer en fauteuil roulant via le réseau de bus et de métro pour rejoindre le REM, par exemple, relève encore du parcours du combattant, comme le soulignait le Montreal Gazette.
Le transport des enfants, les grosses courses, le transport d’objets volumineux ou les déplacements dans des zones moins bien desservies par les transports collectifs représentent d’autres défis. « Avec deux jeunes enfants, c’est parfois compliqué », reconnaît Ahmed. « L’autopartage aide, mais il faut réserver à l’avance, et ce n’est pas toujours pratique pour les petits trajets imprévus. »
La sécurité des cyclistes est aussi une préoccupation constante, malgré les efforts d’aménagement. Les conflits d’usage sur les pistes cyclables ou l’absence d’infrastructures sécurisées sur certains axes majeurs freinent encore certains usagers potentiels.
Le bilan : des économies et un mode de vie assumé
Malgré ces défis, ceux qui ont franchi le pas ne regrettent majoritairement pas leur choix. Les économies réalisées sont substantielles. InfoBref chiffrait en avril 2025 le coût annuel combiné de la STM et de Communauto à environ 3300$, bien loin des milliers de dollars nécessaires à l’entretien, l’assurance, l’essence et le stationnement d’une voiture.
Au-delà de l’aspect financier, c’est un véritable mode de vie qui est adopté. « Je me sens plus connecté à ma ville, je découvre des endroits en marchant ou à vélo que je n’aurais jamais vus en voiture », partage Sophie. Pour beaucoup, c’est aussi un engagement écologique concret. « C’est ma façon de contribuer à réduire mon empreinte carbone », affirme Ahmed.
Une mission possible, mais perfectible
Vivre sans voiture à Montréal en 2025 est donc loin d’être une mission impossible, en particulier dans les quartiers centraux bien desservis. L’offre de mobilité alternative est réelle et en développement, portée par des investissements dans les transports collectifs et actifs. Cependant, des défis importants subsistent en matière de fiabilité, d’accessibilité, de sécurité et de couverture géographique du réseau.
Pour que l’adieu à l’auto solo devienne une option viable et attrayante pour un plus grand nombre de Montréalais, des efforts continus sont nécessaires pour améliorer et intégrer les différentes solutions de mobilité. La révolution est en marche, mais elle demande encore à être accompagnée et accélérée pour transformer durablement le visage des déplacements dans la métropole.