La région métropolitaine de Montréal traverse une période de transformation majeure. Alors que le centre-ville fait face à des défis de vitalité économique et démographique, les banlieues connaissent un essor remarquable. Cette dynamique soulève une question fondamentale : comment intégrer harmonieusement ces territoires pour bâtir une métropole durable et cohérente?
Le Grand Montréal face aux enjeux d’urbanisation
Depuis les années 1950, la métropole québécoise a connu plusieurs phases d’expansion qui ont profondément marqué son territoire. Les grands projets de rénovation urbaine de l’après-guerre, bien qu’animés par des intentions modernisatrices, ont accéléré l’étalement urbain. Entre 1957 et 1974, pas moins de 27 000 logements ont été détruits, poussant de nombreux résidents vers les périphéries.
Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain, une proportion qui devrait atteindre 70% d’ici 2050 selon les projections internationales. Le Grand Montréal, qui compte parmi les 494 régions métropolitaines de 1 à 5 millions d’habitants, doit composer avec les défis de cette métropolisation : gestion environnementale, mobilité durable, et équité territoriale.
L’émergence de Laval comme pôle régional
L’évolution de Laval illustre parfaitement la transformation de la région métropolitaine. Le prolongement du métro vers l’île Jésus a constitué un moment clé dans la constitution d’une véritable centralité urbaine au nord de Montréal. Cette connexion a permis le développement d’un sous-centre régional qui dessert non seulement Laval, mais également une partie importante de la couronne nord.
Le Plan de mobilité durable 2031 de Laval prévoit d’ailleurs l’ajout de cinq nouvelles stations de métro sur son territoire, dont deux par prolongation de la ligne orange et trois autres formant un axe perpendiculaire. Cette infrastructure permettrait de maximiser le potentiel de densification urbaine autour des points d’accès au transport collectif.
Le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 : une vision intégrée
La Ville de Montréal a dévoilé son Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) 2050, qui met en place les outils nécessaires pour façonner le développement métropolitain. Ce plan ambitieux prévoit notamment :
- Plus de 200 000 nouveaux logements, dont 20% à l’abri de la spéculation
- 360 kilomètres de transport collectif structurant d’ici 2050
- 40% du territoire montréalais verdi, avec 125 kilomètres de corridors verts
- 30% de l’emprise publique des rues consacrée aux infrastructures éponges et à la mobilité durable
La décarbonation constitue un pilier central de cette vision. L’administration municipale vise à adapter l’éclairage, la ventilation et le choix des matériaux pour créer des bâtiments résilients nécessitant minimalement d’énergie pour le chauffage ou la climatisation.
Le PMAD : planifier l’aménagement à l’échelle métropolitaine
Le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) 2026-2046, adopté à l’unanimité par le conseil de la Communauté métropolitaine de Montréal en juin 2025, guide la planification du Grand Montréal pour les 20 prochaines années.
Ce plan privilégie l’aménagement de quartiers TOD (Transit-Oriented Development), construits autour des points d’accès au transport collectif. L’objectif est de créer des milieux de vie denses, sécuritaires et mieux desservis par des services de proximité, réduisant ainsi la dépendance à l’automobile.
Le PMAD définit également un périmètre d’urbanisation pour contrer l’étalement urbain. L’espace disponible à l’intérieur de ce périmètre suffirait à accueillir la croissance projetée des ménages bien au-delà de 2031, tout en préservant la zone agricole, composée de terres parmi les meilleures du Québec.
Éviter les erreurs du passé
Les leçons tirées de l’histoire urbaine montréalaise sont claires : il faut éviter les traitements-chocs. Comme l’a démontré la théoricienne Jane Jacobs dans ses critiques des grands projets de rénovation d’après-guerre, les politiques doivent faire preuve de prudence.
Augmenter les mises en chantier demeure essentiel, mais sans sacrifier d’autres objectifs comme l’accroissement du parc de logements sociaux et la réalisation d’un aménagement urbain écologique. Surtout, il est crucial de valoriser une vision d’ensemble applicable à toute la région métropolitaine.
Vers une métropole polycentrique
Dès les années 1960, les urbanistes soutenaient que Montréal n’était plus une ville concentrique limitée à l’île, mais s’étendait pour former une grande région métropolitaine. Cette conception doit maintenant se refléter dans la représentation collective et la gouvernance du territoire.
Il est normal qu’avec l’émergence de sous-centres régionaux comme Laval, la domination économique du centre décroisse. Dans les années 1960, l’administration Drapeau a refusé de partager le métro avec les banlieues environnantes, une occasion ratée de structurer harmonieusement la région.
Aujourd’hui, il faut accepter que la domination du centre sur la région métropolitaine décroisse pour que l’ensemble évolue de manière harmonieuse et demeure viable et attractif. Cela implique de se défaire de l’image de la ville centralisée au profit de celle de la région polycentrique.
L’environnement au cœur de l’intégration
Le PMAD mise sur la création de la Trame verte et bleue du Grand Montréal, un réseau d’espaces verts et bleus aménagés à des fins récréotouristiques. Ces projets contribuent à maintenir la biodiversité, atténuer les impacts des changements climatiques et favoriser le transport actif.
Le Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération, en vigueur depuis 2015, établit des orientations claires pour les 16 municipalités et 19 arrondissements de l’île de Montréal, dans une approche résolument axée sur le développement durable.
Collaboration intermunicipale : la clé du succès
Dans les domaines cruciaux comme le logement et le transport, la collaboration intermunicipale à grande échelle doit être valorisée. Il faut cesser d’opposer le centre et les banlieues pour plutôt conscientiser et valoriser ce qui contribue à leur intégration dans un ensemble cohérent.
La vision d’avenir pour le Grand Montréal repose sur une approche qui minimise les déplacements, priorise les transports collectif et actif, et offre un cadre de vie diversifié répondant aux besoins de la population à chaque étape du cycle de vie.
Conclusion : bâtir ensemble la métropole de demain
L’intégration des banlieues à Montréal ne constitue pas une menace pour le centre-ville, mais plutôt une opportunité de créer une région métropolitaine plus équilibrée, durable et résiliente. En valorisant la complémentarité entre les différents pôles urbains et en investissant dans des infrastructures de transport structurantes, le Grand Montréal peut devenir un modèle de développement métropolitain polycentrique.
La consultation publique sur le PUM 2050 permettra à la population de s’exprimer sur ces orientations. L’adoption finale prévue en 2025 marquera une étape décisive dans la construction collective d’une métropole à la hauteur des ambitions et du potentiel de ses citoyens.