Les Démarchoirs : enquête sur la résurrection des centres commerciaux morts de Montréal

Ils étaient les symboles d’une ère révolue du commerce de détail, ces vastes centres commerciaux et stationnements désertés par les clients. Mais à Montréal, une nouvelle vie, insoupçonnée, anime ces friches urbaines : celle de « Démarchoir », un concept hybride né de la pandémie qui redéfinit le télétravail et la revitalisation commerciale.Notre enquête commence dans l’ancien centre commercial Carrefour Angrignon, où 30 000 pieds carrés ont été transformés en un écosystème de travail collaboratif. Pour 25$ par jour, des centaines de travailleurs autonomes, nomades numériques et même petites équipes viennent y trouver du wifi haute vitesse, des salles de réunion, et surtout, ce qui manque cruellement au salon : la séparation vie professionnelle-vie privée et le hasard social. « Le domicile, c’était l’open space sans fin. Ici, je retrouve l’énergie collective sans les inconvénients du bureau traditionnel », témoigne Émilie, consultante en marketing.Derrière ce phénomène se cache un modèle économique audacieux. Des promoteurs achètent ou louent ces actifs vacants à bas prix, investissent dans une rénovation minimaliste mais fonctionnelle, et génèrent un cash-flow rapide bien supérieur à un loyer commercial classique. La Ville de Montréal, par son programme de revitalisation des artères commerciales, offre même des subventions pour ces projets, voyant là une solution temporaire contre la dévitalisation.Mais ce boom n’est pas sans friction. Des conflits de zonage éclatent dans des quartiers résidentiels, certains habitants se plaignant d’une augmentation de la circulation et de la perte de quiétude. Des questions de sécurité et d’assurance, liées à cette nouvelle vocation, complexifient aussi le modèle. Pourtant, les Démarchoirs pourraient bien être bien plus qu’une mode post-Covid. « C’est la réappropriation urbaine à l’ère numérique, analyse un urbaniste. Cela questionne la vocation même de nos espaces commerciaux et la pérennité du modèle du bureau fixe, 9 à 5. »