Alors que des milliers de Montréalais peinent à trouver un logement décent et abordable, un phénomène discret mais dévastateur aggrave la crise : les appartements fantômes. Ces logements inoccupés, souvent détenus à des fins spéculatives, demeurent fermés aux familles, étudiants et travailleurs qui cherchent désespérément un toit.
Un paradoxe en pleine urgence sociale
Avec un taux d’inoccupation historiquement bas et des loyers qui explosent — en hausse de plus de 7 % en moyenne sur un an —, la métropole vit une situation critique. Pourtant, dans des quartiers comme Griffintown, le Vieux-Montréal et le Mile-End, des immeubles flambant neufs restent désespérément vides.
Selon les dernières données de la Ville, plus de 20 000 logements sont actuellement vacants à Montréal, et près de 10 000 d’entre eux ne sont pas disponibles pour la location à long terme.
> « On voit des tours entières de condos où moins de la moitié des lumières s’allument le soir », constate Julie Mercier, militante de l’Association des locataires de Montréal.
« Pendant ce temps, des familles dorment dans leur voiture et des étudiants s’entassent à cinq dans des 3½. »
Qui détient ces logements vides ?
Enquête faite, une part importante de ces propriétés est entre les mains :
D’investisseurs étrangers, notamment de Chine, des Émirats et des États-Unis, qui les achètent comme placements financiers sans intention de les habiter ni de les louer.
De compagnies immobilières locales, en attente d’une revente au plus offrant.
De propriétaires privés, préférant spéculer sur la valeur du bien plutôt que de le mettre en location.
Ce phénomène est amplifié par des plateformes de location touristique comme Airbnb, malgré les tentatives de régulation de la Ville. Des milliers de logements restent ainsi « réservés » pour de la location illégale à court terme, plus lucrative.
Griffintown, le symbole d’un échec urbanistique ?
Dans le quartier en pleine expansion de Griffintown, des tours de verre scintillent… mais les allées sont vides, et les commerces peinent à survivre.
> « On a construit pour le prestige et non pour les besoins réels de la population », dénonce Luc Simard, urbaniste.
« Résultat : une ville-vitrine désertée par ses habitants réels. »
Des conséquences bien concrètes
Explosion des loyers : Avec une offre artificiellement réduite, les prix grimpent sans frein.
Appauvrissement des classes moyennes : De nombreux jeunes professionnels et familles sont poussés vers la banlieue, faute de logements accessibles.
Dévitalisation des quartiers : Des rues entières manquent de vie sociale et de commerces de proximité, faute de résidents à l’année.
La Ville peut-elle inverser la tendance ?
Face à cette situation, la Ville de Montréal a instauré en 2022 une taxe sur les logements vacants, mais son impact reste limité.
> « Nous travaillons sur un renforcement des contrôles et des sanctions contre les locations illégales à court terme », assure un porte-parole du cabinet de la mairesse Valérie Plante.
Mais pour plusieurs experts, il faudrait aller plus loin :
Forcer la mise en marché des logements vacants sous peine de lourdes amendes.
Interdire l’achat de propriétés à des investisseurs étrangers, comme l’a fait Vancouver.
Encourager la conversion de ces logements en logements sociaux ou abordables.
Conclusion : Montréal, à la croisée des chemins
Faut-il continuer à privilégier l’image d’une ville luxueuse ou choisir de redevenir une ville vivante, accessible et inclusive ? Cette question brûlante reste sans réponse, mais une chose est certaine : chaque jour où ces appartements restent vides, la crise du logement s’aggrave.