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mercredi, décembre 3, 2025

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Le jardin Kahéhtaien Lumb : quand Chinatown cultive la solidarité interculturelle

Société & TendancesLe jardin Kahéhtaien Lumb : quand Chinatown cultive la solidarité interculturelle

Au cœur du Quartier chinois de Montréal, un projet novateur voit le jour : le jardin communautaire Kahéhtaien Lumb. Bien plus qu’un simple espace vert, ce lieu unique incarne la rencontre de deux cultures ancestrales et la solidarité intergénérationnelle dans un quartier en quête de verdure.

Un havre de paix au milieu du béton

Dans l’un des secteurs les plus densément bâtis de Montréal, le jardin Kahéhtaien Lumb représente une bouffée d’air frais pour les résidents du Quartier chinois. Situé à l’angle des rues Viger et de Bullion, adjacent à l’Hôpital chinois de Montréal, ce terrain de 1 100 mètres carrés transformé en oasis verdoyante offre un répit bienvenu dans un environnement urbain caractérisé par ses îlots de chaleur.

Inauguré en juin 2024, ce jardin collectif est le fruit d’une collaboration exceptionnelle entre la Table ronde du Quartier chinois et Projets Autochtones du Québec (PAQ). Il s’agit du premier jardin autochtone-asiatique de la province, un symbole puissant de réconciliation et d’échanges interculturels.

« Ce sont deux cultures ancestrales qui se rencontrent », explique Leslie Cheung, présidente du conseil d’administration de la Table ronde du Quartier chinois de Montréal. « Nous pensons qu’un espace vert est vraiment nécessaire pour atténuer l’effet d’îlot de chaleur de ce quartier, car nous sommes dans une jungle de béton ici. »

Un pont entre les générations

Le jardin Kahéhtaien Lumb se distingue par sa mission sociale profonde. Conçu comme un espace de thérapie occupationnelle pour les aînés du quartier, il favorise également les échanges intergénérationnels en invitant les jeunes à participer aux activités horticoles.

Monsieur Luo, 75 ans, incarne parfaitement cette dynamique. Ancien agriculteur sur la Rive-Sud de Montréal, où il cultivait et vendait des légumes, il trouve dans ce jardin un moyen de rester actif et de transmettre son savoir. « C’est en fait une bonne façon de faire de l’exercice et de rester en santé », confie-t-il. Pour lui et de nombreux seniors qui étaient agriculteurs avant d’immigrer au Canada, ce jardin représente un lien précieux avec leur passé.

« Beaucoup d’aînés n’avaient pas accès à un espace où cultiver des plantes », souligne May Chiu, coordonnatrice de la Table ronde du Quartier chinois. « Nous savons que beaucoup d’entre eux étaient agriculteurs avant d’immigrer au Canada. »

Pour la jeune génération, le jardin offre une occasion unique de se reconnecter avec leur héritage culturel. Anna Can, bénévole jeunesse, témoigne : « Une partie de moi recherchait ce jardin parce que je voulais me connecter davantage avec la diaspora asiatique, et c’était la façon la plus naturelle de le faire. »

La méthode des trois sœurs : un héritage autochtone

Au centre du jardin trône une roue médicinale, symbole partagé par plusieurs peuples autochtones, représentant les différents éléments, saisons, plantes et aspects de la vie. Le jardin cultive une variété impressionnante de plantes, combinant les traditions agricoles autochtones et asiatiques.

On y trouve notamment les « trois sœurs » – haricots grimpants, courges et maïs – piliers de la méthode de culture autochtone ancestrale. Ces plantes sont cultivées en symbiose : le maïs sert de support aux haricots, qui enrichissent le sol en azote, tandis que les courges conservent l’humidité du sol.

Ces cultures traditionnelles côtoient une gamme variée de légumes chinois, japonais et d’autres origines asiatiques, créant un véritable laboratoire vivant de biodiversité et d’échanges de savoirs agricoles.

« Les générations plus âgées nous réprimandent », raconte Janet Lumb, l’activiste et artiste dont le jardin porte le nom. « Ils disent : ‘On ne met pas ce légume avec celui-là’, parce qu’ils viennent d’une histoire d’agriculteurs. »

Un projet communautaire aux multiples vocations

Le jardin Kahéhtaien Lumb répond à plusieurs objectifs sociaux et environnementaux essentiels pour le quartier :

Lutter contre l’insécurité alimentaire : Une partie importante des récoltes est distribuée directement aux résidents du Quartier chinois, y compris les personnes en situation d’itinérance. « Nous l’avons conçu en pensant aux résidents du Quartier chinois, ce qui inclut les Autochtones sans logis », précise May Chiu. « Beaucoup de leurs participants ont également accès au jardin. »

Favoriser la mixité sociale : Le jardin crée un espace de rencontre neutre dans un contexte où les tensions entre différents groupes du quartier peuvent parfois s’intensifier. Il offre une plateforme pour l’apprentissage mutuel et la compréhension interculturelle.

Atténuer les îlots de chaleur : Dans un quartier identifié comme l’un des îlots de chaleur urbains de Montréal, chaque espace vert contribue significativement au confort des résidents, particulièrement des personnes âgées vulnérables aux canicules.

Sensibiliser aux enjeux environnementaux : Le jardin organise régulièrement des ateliers, événements et activités de cohésion qui permettent aux participants d’en apprendre davantage sur l’agriculture urbaine, les plantes médicinales et les pratiques durables.

« C’est un espace où les gens se sentent vraiment à l’aise, dès l’instant où ils entrent », affirme Anna Can. « Cela leur donne une chance de se connecter avec différentes générations, différentes personnes qu’ils ne rencontreraient pas nécessairement dans leur vie quotidienne sans être dans le Quartier chinois. »

Une collaboration qui porte ses fruits

Le succès du jardin Kahéhtaien Lumb repose sur un partenariat solide et un engagement communautaire fort. La Ville de Montréal a prêté le terrain, évalué à plus de 1,2 million de dollars, pour une période de trois ans à partir de mai 2024. L’arrondissement de Ville-Marie a également contribué 5 000 dollars via son fonds vert.

Cette initiative s’inscrit dans le Plan d’action 2021-2026 pour le développement du Quartier chinois et reflète la volonté municipale d’accélérer la transition écologique.

« Je suis très heureux de voir ce projet se concrétiser », s’est réjoui Robert Beaudry, conseiller de la Ville pour le district de Saint-Jacques. « Après plusieurs échanges avec la Table ronde du Quartier chinois, je sais à quel point il s’agit d’un projet important pour la communauté qui pourra bénéficier d’un espace d’agriculture dans un secteur où les espaces verts se font rares. »

Les jeunes bénévoles, plus à l’aise avec les technologies, jouent également un rôle crucial en aidant à promouvoir le jardin et en défendant ses intérêts, parfois même au niveau politique.

« Le résultat est cette collaboration vraiment magnifique d’un espace intergénérationnel et interculturel où les gens se rassemblent, célèbrent et cultivent ensemble », résume May Chiu. « Un jardin est une entité vivante, les plantes, les légumes, les fleurs, les fraises ont besoin de soins chaque jour. Pour cela, nous comptons énormément sur les résidents aînés. »

Une première saison riche en enseignements

La première saison du jardin s’est achevée à la fin d’octobre 2024, laissant place à des réflexions positives et à de nombreuses émotions. Tout au long de cette période, l’espace a été un lieu de vie et de rencontre authentique, favorisant la solidarité et les échanges interculturels que les organisateurs espéraient.

Les ateliers ont permis des échanges enrichissants où générations et cultures ont partagé leurs expériences dans une ambiance conviviale. Ces moments ont offert à chacun l’occasion de découvrir l’agriculture urbaine et de renforcer le tissu communautaire du quartier, une pousse à la fois.

« Je pense qu’il est vraiment important pour la communauté chinoise et pour toutes les communautés d’accepter le fait que nous sommes sur des terres autochtones », souligne Janet Lumb, rappelant la dimension de réconciliation au cœur du projet.

Perspectives d’avenir

Le jardin Kahéhtaien Lumb est appelé à fermer ses portes à la fin d’octobre pour l’hiver et rouvrira au printemps 2025, prêt à accueillir une nouvelle saison de récoltes et d’échanges. Les organisateurs espèrent développer davantage la programmation d’activités et renforcer les partenariats locaux desservant les diverses communautés dans le besoin.

Ce projet démontre que même dans les quartiers les plus densément construits, il est possible de créer des espaces verts significatifs qui transcendent leur simple fonction environnementale pour devenir de véritables lieux de rassemblement, de transmission de savoirs et de guérison sociale.

Dans un contexte urbain où l’isolement et les divisions peuvent facilement s’installer, le jardin Kahéhtaien Lumb prouve que la terre cultivée en commun a le pouvoir unique de rapprocher les gens, quelle que soit leur origine, leur âge ou leur parcours de vie.

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