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Collège Mont-Saint-Louis : Une politique de flexibilité pédagogique qui soulève des questions

Société & TendancesCollège Mont-Saint-Louis : Une politique de flexibilité pédagogique qui soulève des questions

Une décision qui fait débat dans le milieu de l’éducation montréalaise : le Collège Mont-Saint-Louis, établissement d’enseignement privé situé dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, a instauré une mesure inédite en accordant automatiquement du temps supplémentaire à tous ses élèves de premier cycle lors des évaluations.

Une mesure d’adaptation universelle controversée

Depuis l’année dernière, le Collège Mont-Saint-Louis applique une politique qui fait couler beaucoup d’encre : tous les élèves de première et deuxième secondaire bénéficient désormais d’un tiers de temps additionnel pour compléter leurs examens. Concrètement, les évaluations sont conçues pour durer 45 minutes, mais l’ensemble des élèves dispose de 60 minutes pour les réaliser.

Cette approche, qualifiée de « flexibilité pédagogique » par l’établissement, vise à pallier les difficultés liées au dépistage des troubles d’apprentissage. Selon Juliette Grenet, coordonnatrice au développement et aux communications du collège, cette mesure permet d’assurer une meilleure équité, particulièrement pour les élèves dont les parents ne peuvent assumer les coûts élevés des évaluations professionnelles externes.

Le tiers temps : une mesure initialement réservée aux élèves à besoins particuliers

Au Québec, le tiers temps constitue traditionnellement une mesure d’adaptation destinée aux élèves en difficulté disposant d’un plan d’intervention. Cette accommodation vise à compenser des troubles d’apprentissage ou des difficultés spécifiques, qu’elles soient diagnostiquées ou non. Pour les épreuves ministérielles, l’attribution de ce temps supplémentaire demeure strictement encadrée et réservée aux élèves ayant un plan d’intervention officiel mentionnant ce besoin.

Cependant, pour les évaluations en cours d’année, le ministère de l’Éducation n’impose pas de balises précises, laissant aux établissements une certaine latitude dans l’application de cette mesure. C’est dans cette zone grise que s’inscrit la décision du Collège Mont-Saint-Louis.

Des parents et experts expriment leurs préoccupations

La politique adoptée par l’établissement montréalais soulève des inquiétudes importantes. Une mère d’élève à besoins particuliers, qui a requis l’anonymat, a exprimé sa frustration après que son enfant ait échoué à plusieurs évaluations de mathématiques par manque de temps. Lorsqu’elle a demandé que le tiers temps soit accordé à son enfant, la direction lui a répondu que cette mesure s’appliquait déjà à tous les élèves.

« Vous creusez davantage l’écart entre les élèves qui ont un plan d’intervention et ceux qui n’en ont pas. On est dans une mesure d’égalité, pas dans une mesure d’équité », a-t-elle déploré, estimant que cette approche dénature la vocation première du tiers temps.

L’avis des neuropsychologues et psychologues

Catherine St-Pierre, administratrice au sein de l’Association québécoise des neuropsychologues, souligne que l’octroi généralisé de temps supplémentaire pourrait nuire au développement de compétences essentielles. « Si la majorité de ces jeunes n’ont pas nécessairement besoin de temps supplémentaire, cela ne leur apprend pas à gérer leur temps, à planifier leur travail, bref à développer les compétences qu’on veut qu’ils développent pour être productifs dans leur travail plus tard », analyse-t-elle.

Pour sa part, Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, insiste sur l’importance d’une approche individualisée : « Si on élargit la même mesure pour tout le monde, l’élève qui est en difficulté ne se voit pas compensé pour sa difficulté. » Elle recommande que le temps supplémentaire ne soit accordé qu’aux élèves pour qui celui-ci est « pertinent et nécessaire ».

Une tendance à la hausse dans le réseau scolaire

La question du temps supplémentaire lors des examens dépasse largement le cas du Collège Mont-Saint-Louis. Selon des données recueillies dans le réseau scolaire québécois, la proportion d’élèves bénéficiant de cette mesure a considérablement augmenté ces dernières années. Des enseignants rapportent qu’environ 20% de leurs élèves disposent désormais de temps additionnel, une proportion qui a grimpé en flèche au cours de la dernière décennie.

Cette augmentation préoccupe plusieurs acteurs du milieu de l’éducation, qui y voient un risque de banalisation d’une mesure qui devrait demeurer exceptionnelle. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a d’ailleurs souligné dans un rapport de 2018 que l’application systématique du tiers temps « s’inscrit en faux contre l’approche individualisée des besoins préconisée par le ministère de l’Éducation ».

La position de la FEEP : un soutien contesté

La Fédération des établissements d’enseignement privés du Québec (FEEP) se range du côté du Collège Mont-Saint-Louis, affirmant que cette pratique « ne nuit à aucun élève » et « s’inscrit dans l’évolution des pratiques pédagogiques ». Cette position contraste néanmoins avec celle de nombreux centres de services scolaires qui maintiennent une approche plus restrictive.

Plusieurs centres de services scolaires, comme celui du Chemin-du-Roy à Trois-Rivières, confirment n’accorder le tiers temps qu’aux élèves dont l’analyse des besoins a mené à l’inscription de cette mesure dans un plan d’intervention. « Un élève qui a le tiers temps, c’est qu’il en a besoin. Si tout le monde a droit au tiers temps, la mesure perd son sens », résume un porte-parole.

Les défis du dépistage et de l’équité

Le Collège Mont-Saint-Louis justifie sa décision par les longues listes d’attente pour obtenir des évaluations professionnelles et par le coût prohibitif de ces services pour certaines familles. L’établissement soutient que cette approche proactive permet d’identifier progressivement les élèves ayant véritablement besoin d’un plan d’intervention structuré pour le deuxième cycle.

Toutefois, cette justification soulève des questions fondamentales sur la distinction entre égalité et équité. Alors que l’égalité consiste à offrir les mêmes ressources à tous, l’équité vise à fournir à chacun les ressources dont il a spécifiquement besoin. L’application universelle du tiers temps relève davantage de la première approche, ce qui peut paradoxalement désavantager les élèves ayant des besoins particuliers plus importants.

Vers une redéfinition des pratiques pédagogiques ?

Ce débat met en lumière les tensions entre différentes conceptions de l’adaptation scolaire. D’un côté, certains y voient une évolution nécessaire des pratiques pédagogiques, permettant de réduire la pression sur les élèves et d’offrir un environnement d’apprentissage plus flexible. De l’autre, des experts et des parents craignent une dilution de mesures d’adaptation essentielles pour les élèves en réelle difficulté.

Fondé en 1888, le Collège Mont-Saint-Louis accueille des centaines d’élèves et se distingue par son engagement envers un enseignement de qualité et un environnement propice à l’épanouissement. L’établissement propose un parcours scolaire généraliste enrichi dans toutes les matières, de la première à la cinquième secondaire.

Une réflexion collective nécessaire

La décision du Collège Mont-Saint-Louis ouvre un débat important sur l’avenir des mesures d’adaptation dans le système scolaire québécois. Alors que les troubles d’apprentissage sont de mieux en mieux identifiés et que les besoins des élèves évoluent, les établissements scolaires doivent trouver un équilibre délicat entre flexibilité pédagogique et équité véritable.

Cette situation invite à une réflexion collective sur les meilleures pratiques pour soutenir tous les élèves dans leur réussite, tout en préservant l’efficacité des mesures destinées à ceux qui en ont le plus besoin. L’enjeu dépasse le cadre d’un seul établissement et concerne l’ensemble du système éducatif québécois.

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