Le casse-tête final du e-commerce
L’explosion du commerce électronique a transformé nos habitudes d’achat, mais elle a aussi créé un défi logistique majeur pour les villes : la livraison du dernier kilomètre. Cette étape finale, qui consiste à acheminer le colis depuis un centre de distribution jusqu’au domicile du client, est souvent la plus coûteuse, la plus complexe et la plus polluante de toute la chaîne logistique. À Montréal, comme dans toutes les grandes métropoles, optimiser ce dernier kilomètre est devenu un enjeu crucial pour réduire la congestion, améliorer la qualité de l’air et répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de rapidité et de flexibilité. Face à ces défis, des solutions innovantes émergent, redessinant le paysage de la logistique urbaine.
Les défis multiples du dernier kilomètre
La livraison du dernier kilomètre concentre une série de difficultés. Comme le soulignent le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) et IEL Freight, la congestion urbaine est l’ennemi numéro un. Dans les rues denses de Montréal, les camions de livraison se retrouvent souvent coincés dans le trafic, perdant un temps précieux et contribuant eux-mêmes à l’engorgement. L’ÉTS Montréal note également les problèmes de stationnement pour ces véhicules.
Les coûts associés à cette étape sont disproportionnellement élevés. Selon diverses analyses, le dernier kilomètre peut représenter jusqu’à 50% du coût total de la livraison. La faible densité des livraisons (souvent un seul colis par arrêt), les difficultés d’accès et les échecs de livraison (client absent) pèsent lourdement sur la rentabilité des transporteurs, un enjeu crucial pour 2025 selon Nomadia Group.
L’impact environnemental est une autre préoccupation majeure. La multiplication des véhicules de livraison, majoritairement thermiques, contribue significativement à la pollution de l’air et aux émissions de gaz à effet de serre en milieu urbain. Un rapport du CIRANO (2025RP-01) souligne la nécessité d’encadrer les livraisons pour réduire ces impacts.
Enfin, les attentes des consommateurs en matière de délais (livraison le jour même ou le lendemain) et de flexibilité (créneaux horaires précis) ajoutent une pression supplémentaire sur les opérateurs logistiques.
Les solutions innovantes à l’essai à Montréal
Face à ces défis, Montréal et ses acteurs explorent activement des solutions innovantes pour rendre la livraison du dernier kilomètre plus efficace et durable.
- Les vélos-cargos électriques : De plus en plus présents dans les rues de la métropole, les vélos-cargos, souvent à assistance électrique, offrent une alternative agile et écologique aux camionnettes traditionnelles. Ils peuvent se faufiler plus facilement dans le trafic, accéder aux zones piétonnes et réduire considérablement les émissions polluantes et sonores. Le projet Colibri, mentionné par eBikes International, a démontré le potentiel de cette solution avec des milliers de livraisons hebdomadaires. Le CQCD souligne également la croissance de la livraison durable via vélos-cargos. Des études (MDPI) analysent l’intégration de ces vélos pour remplacer les camionnettes diesel.
- Les hubs de livraison urbains (micro-dépôts) : L’idée est de créer des petits centres de distribution stratégiquement situés en ville. Les marchandises y sont acheminées par des véhicules plus gros (souvent la nuit), puis les livraisons finales sont effectuées par des moyens plus légers et écologiques (vélos-cargos, petits véhicules électriques). Propulsion Québec soutient le projet de « Zero-Emission Delivery Hubs » visant à décarboner la livraison dans les zones denses de Montréal. Coop Carbone a également lancé un projet similaire à Québec, transbordant les colis vers des modes de transport doux.
- Les drones de livraison : Bien que leur déploiement à grande échelle soulève encore des questions réglementaires et d’acceptabilité sociale, les drones représentent une piste prometteuse pour certaines livraisons spécifiques (médicales, urgentes, zones difficiles d’accès). Des entreprises comme AIR prévoient les premières livraisons par drones cargo pour 2025 (Aviation Week). AntsRoute et Conqueror Freight Network analysent les opportunités et défis de cette technologie pour 2025. Cependant, certains experts, comme cité dans Les Echos, restent sceptiques quant à la généralisation des drones face au potentiel du vélo.
- L’optimisation des tournées et la mutualisation : Des logiciels d’optimisation de tournées, intégrant l’intelligence artificielle, permettent de calculer les itinéraires les plus efficaces en temps réel, en tenant compte du trafic et des contraintes de livraison. La mutualisation des livraisons entre différents commerçants ou transporteurs est une autre piste pour augmenter la densité des tournées et réduire le nombre de véhicules sur les routes.
Vers une logistique urbaine plus intelligente et durable
L’avenir de la livraison du dernier kilomètre à Montréal passera probablement par une combinaison de ces différentes solutions, adaptées aux spécificités de chaque quartier et de chaque type de marchandise. La collaboration entre les acteurs publics (ville, autorités de transport) et privés (commerçants, transporteurs, entreprises technologiques) sera essentielle pour mettre en place un cadre réglementaire favorable et encourager l’adoption de pratiques plus durables.
Les défis restent nombreux, notamment en termes d’infrastructures (pistes cyclables adaptées aux vélos-cargos, espaces pour les hubs), de réglementation (drones, zones à faibles émissions) et de modèles économiques viables. Mais l’innovation est en marche.
Réinventer la livraison en ville
La livraison du dernier kilomètre est au cœur des enjeux de la ville de demain. À Montréal, l’effervescence autour du commerce électronique pousse à réinventer cette étape cruciale pour la rendre compatible avec les objectifs de mobilité durable, de qualité de l’air et d’efficacité économique. Les vélos-cargos, les hubs urbains et, potentiellement, les drones, dessinent les contours d’une logistique urbaine plus intelligente, plus propre et mieux intégrée au tissu urbain. Relever le défi du dernier kilomètre n’est pas seulement une question de logistique, c’est contribuer à rendre la ville plus agréable à vivre pour tous.